Voilà, un trimestre se termine (Thierry Foulkes en a fait un bon résumé sur cet article, je l’en remercie) , et il est temps pour moi de voir comment rebondir sur ce projet de l’utilisation de Twitter en CP.
Dès le début, j’avais en tête la nécessité de faire passer l’apprentissage avant l’outil. Utiliser Twitter en CP n’a rien d’une priorité, c’est un prétexte aux apprentissages fondamentaux exigés à cette période charnière de la scolarité.
Jusqu’à maintenant, mon objectif principal a été celui de l’utilisation de la langue française, et notamment du code. Les CP sont dans une phase d’apprentissage de la lecture, et une utilisation des graphies découvertes en classe est nécessaire pour se les approprier. Il existe quantité de jeux d’écriture accessibles pour les élèves, et Twitter est vraiment apparu comme l’un d’eux, avec la réciprocité en plus (nos lecteurs réagissent par écrit, et nous obligent donc à lire…). Sans compter que la limitation à 140 caractères, c’est du pain béni pour ceux qui sont découragés face à un trop long texte !
Cet objectif va rester central jusqu’à la fin de l’année scolaire, c’est certain, et quelques élèves en ont encore bien besoin, n’entrant pas facilement dans la lecture. Cependant, pour certains enfants, il va me falloir trouver d’autres apprentissages via l’utilisation de Twitter. Voici quelques idées jetées en vrac, pour mémoire :
Utilisation technique
L’utilisation des TICE (la technique) est exigée par le programme officiel en l’objet du B2i (Brevet qui suit les élèves dans leur scolarité). Pour l’instant, on a allumé l’ordi, ouvert et fermé un navigateur, ouvert et utilisé un Google doc, et certains enfants ont appris le copier-coller pour transférer le tweet tapé sur leur Doc vers le logiciel Tweetdeck. Ce qui est notable, c’est que le côté technique est très propice à l’apprentissage entre pairs : j’ai appris ce copier-coller (ctrl+C, ctrl+V) à un enfant, et c’est lui qui diffuse l’info aux autres selon les besoins…
A venir : lire le contenu d’une carte SD et y choisir une photo prise à l’appareil numérique, ou un MP3 pris à l’enregistreur numérique ; consolider l’utilisation du clavier (vive le temps de Noël qui les oblige à chercher à faire un tréma…), et de l’ordinateur. Depuis 2 semaines, la classe est équipée d’un tableau numérique collectif, ça aide à l’apprentissage !
Apprentissage de la sécurité
Lié au B2i, tout le volet sécurité sur Internet va être abordé pendant la suite de l’année, et je pense que nos échanges vont y contribuer.
Nous avons déjà évoqué les « méchants », les robots, les spammeurs (voir mon article précédent sur ce sujet). Mes élèves « savent » (collectivement) qu’il ne faut pas cliquer sur un lien de quelqu’un qu’on ne connaît pas, et ils savent bloquer un utilisateur. Ils craignent que des inconnus connaissent des choses sur leur vie privée (adresse, photo…), mais le craignent-ils pour les interlocuteurs de Twitter qu’ils cottoient au quotidien (certains deviennent connus par les enfants, où s’arrêtera donc leur prudence ?).
Afin que ces éléments dits à l’oral soient écrits noir sur blanc à l’écrit, j’aimerais (comme ce fut le cas de mes collègues Amandine Terrier avec sa classe @crotenaycycle3 et Laurence Juin avec ses grands de @ladeuxiemeannee) rédiger avec les élèves une charte d’utilisation de Twitter en classe, ou à la maison dans le cadre de la classe.
Une question se pose d’ailleurs concernant la création de comptes personnels d’élèves (5 sur 24 ont franchi le pas, sans aucune demande de ma part). D’un côté, j’ai peur d’entrer dans le domaine du privé, qui n’est pas à sa place en public à l’école. D’un autre côté, les élèves qui ont créé un compte l’ont fait avec leurs parents, l’alimentent également en présence d’un adulte (parfois un grand frère), et ne s’en servent que dans le prolongement des projets initiés en classe (dans ma série des petits bonheurs, une élève a par exemple envoyé à la classe ce tweet : « mon papa dit que son bonheur c’est d’ avoir une fille comme moi »).
J’avoue que je ne sais pas comment réagir. Comme toujours, je pense qu’il va falloir éduquer. Et c’est pour cela que dès la rentrée, je vais proposer une réunion aux parents volontaires (en essayant d’inciter les parents utilisateurs à être présents) sur l’utilisation idéale de Twitter avec des enfants de 6 ans…
Vers d’autres apprentissages didactiques ?
Tout comme l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, j’aimerais développer d’autres apprentissages didactiques via le prétexte Twitter.
Nous avons le projet, avec Amandine Terrier (@AmandineTer) et sa classe, de réaliser une partie d’échecs via Twitter. C’est une habitude que j’ai en CP, de les initier aux échecs (je sais, ça n’est pas bien les habitudes pédagogiques, mais tant que le plaisir et les apprentissages sont au rendez-vous…) et quoi de mieux que de changer un peu la forme de la partie ?
J’aimerais aller plus loin, peut-être avec d’autres élèves (nos amis de @cp_chantereine ?), ou avec nos abonnés, dans la résolution de problèmes mathématiques ouverts. Les élèves ont déjà lancé une énigme sur le compte de la classe, et les résultats ont été encourageants : les enfants argumentent, réécrivent l’énoncé, échangent leur façon de résoudre le problème (exemple donné par ici en PDF).
J’avoue que je vais surfer sur notre projet d’école qui tourne autour des défis mathématiques. Le mot « défi » appelle lui-même des échanges, une compétition entre « chercheurs », et c’est certainement une porte d’entrée intéressante pour aborder les mathématiques. Twitter en sera le couloir d’accès !
Reste à trouver d’autres situations, pour d’autres matières, dans lesquelles Twitter aura ce rôle de motivation à l’apprentissage.
Des questions « éthiques »
Quelques questions me rattrapent parfois, dans l’optique de poursuivre l’expérience…
Ne suis-je pas en train de les contaminer au Net ? Ils auront bien assez vite le temps d’y arriver sans moi…
En même temps, depuis 12 ans que je suis sur le Net, les choses ont tellement évolué. On en reparle dans 10 ans ?
Qu’en est-il de leur identité numérique ? Certes, je suis sur un compte commun, mais lorsqu’une élève écrit, et signe, « Mon bonheur c’est de jouer avec mes poupées », ne risque-t-elle pas de se trouver en porte-à-faux avec ses futurs employeurs (j’exagère volontairement).
Est-ce que je vends leur âme au diable ?
En effet, je leur « impose » l’utilisation d’outils commerciaux : Twitter est une entreprise, Google aussi, Microsoft également. Est-ce mon rôle d’éducateur de chercher des alternatives libres, de leur montrer qu’il existe d’autres outils que Windows, que Google Doc, d’autres réseaux sociaux que Twitter ?
J’espère, d’ici la fin de l’année, pouvoir répondre à ces questions, et prendre une décision judicieuse, et éducative, pour encourager ou dissuader mes collègues (et moi-même) à poursuivre l’expérience l’année prochaine !
Très intéressante utilisation de Twitter.
Pour ce qui est des questionnements éthiques, ce sont surtout des peurs face à l’inconnu dues la volonté de bien faire, je trouve.
Pour ma part, je pense que c’est une utilisation bienvenue des outils de notre temps. Peut-être que Freinet se demandais aussi si il ne risquait pas d’intoxiquer ses élèves avec les vapeur d’alcool de la Ronéo ? 😉
Je suis la maman de deux petites filles pour lesquelles j’ai créé un compte commun pour twitter avec votre classe.
Petit retour de mon coté de ces échanges.
Je me rends compte que du fait du décalage temporel (elles ne twittent que le soir avec moi), les échanges sont un peu « étranges » mais cela leur donne un certain charme.
Pour l’instant, c’est moi qui leur suggère « voulez-vous écrire un mot à la classe? » quand je pense qu’il y a peut être matière à… En General, la réponse est oui. Sauf hier, elles l’ont demandé si elles avaient des réponses et la réponse étant négative elles ont décidé de ne rien écrire pour l’instant.
Ceci étant dit, le bénéfice que j’y vois, c’est que parfois elles ont plus envie de partager leur journée ou ce qu’elles ont pensé d’une expo ou d’un spectacle avec d’autres enfants qu’avec moi. Cela leur permet donc une prise de recul et une auto-observation (j’ai aimé ou pas ? Qu’est-ce j’ai aimé ? Qu’est-ce que je n’ai pas aimé ?). Cela leur permet aussi de confronter leurs points de vue : elles ont rarement la même chose à dire.
Mais cela me fait penser que je vais peut être leur ouvrir leur propre blog ou les laisser écrire sur le mien.
Ce que je peux dire aussi, c’est que mon beau-fils et ma belle-fille utilisent msn sans suivi seuls à la maison avec leurs amis et que ça n’a rien à voir (langue ultra appauvrie, sujets ultra anodins, une longue liste de « trop cool » et de « grave »). Je n’ai rien contre car après tout c’est une discussion entre copains comme une autre, mais je menplais à croire que ce qu’expérimentent mes filles et vos élèves leur permettront ensuite d’utiliser ces outils de manière plus riche.
Je ne sais pas si ce retour aide votre propre réflexion… En tout cas je trouve ces analyses tout à fait interessantes
Merci pour votre message.
Il faut dire que je regrette qu’il n’y ait pas plus d’échanges provoqués de notre côté, mais le rythme est difficile à tenir pour « entretenir » toutes les amitiés.
Et pourtant, je peux vous assurer que lorsque mes élèves voient apparaître l’avatar de vos filles, c’est toujours une réaction très positive !
Pas évident en effet d’accepter ce décalage entre les tweets, et parfois, certains tweets n’attendent pas forcément de réponse. Mais nous lisons tout 🙂
Faut dire aussi, que de façon étonnante, dans cet échange plus personnel, un élève a pris le pas sur les autres pour communiquer avec vos filles, et du coup, il s’agit un peu de sa responsabilité…
De plus en plus d’enfants se sont créés des comptes personnels, sous contrôle de leurs parents, et plusieurs m’ont déjà demandé s’ils pouvaient s’abonner à vos filles.
Hier, j’ai passé du temps à expliquer aux parents présents le fonctionnement de Twitter et les objectifs que j’avais derrière la tête pour l’utilisation en classe. Je leur ai demandé de jouer le jeu avec les comptes persos… à voir donc !
L’idée du blog est intéressante aussi. Faut avouer que Twitter justement est à mi-chemin entre l’instantané et l’article plus long, et ça permet des échanges assez particuliers !
Merci en tous cas pour cette contribution à l’expérience, vous êtes l’un des 3 piliers des échanges : les classes, les enfants inconnus, les adultes inconnus.