Je ne vous ai jamais raconté ici cette anecdote, qui avait provoqué à l’époque un petit buzz sur Twitter autour des personnes concernées.

C’était en novembre, nous créions des phrases sur Twitter sur le thème « Si j’allais sur une île déserte, j’emmènerais… ». Certains élèves étaient assez inventifs, et les retweets ou les messages étaient donc nombreux sur le tableau numérique de la classe.

L’un de mes élèves de CP, Vincent, écrit ce message :

tweet1

Et voilà que pendant la nuit, un australien retweete le message, en ajoutant un commentaire :

tweet2

Ayant vu le tweet avant les élèves, j’avoue avoir hésité à le « bloquer » provisoirement. Puis je me suis dit que dans le flot des retweets, le message allait certainement passer inaperçu.

C’était sans compter sur l’observation de mon p’tit Vincent. Il vient me trouver, l’air grave :

« Monsieur, y’a @delgot qui m’a retweeté, mais il a écrit un gros mot. Il a écrit… C. … O. … N. »

Devant tant de sagesse (le gros mot avait été épelé), je lui demande ce qu’on doit faire. J’attendais de sa part une réponse du genre « il faut le bloquer », et voilà qu’il me dit qu’il veut lui répondre.

Je laisse faire, et voilà ce que Vincent écrit :

tweet3

A noter qu’on avait fait la semaine précédente des tweets au format« J’aime… Je n’aime pas… ».

Vous imaginez la suite ! La personne concernée a répondu en reconnaissant que son langage n’était pas adapté aux enfants, et qu’il s’en excusait.
Il s’en est suivi un petti buzz des abonnés lisant les échanges s’indignant, avec humour, de l’indécence avec laquelle des élèves de 6 ans arrivaient à dénaturer l’esprit libertaire de Twitter !

 

La morale

Je tenais à diffuser cette anecdote, car au-delà de son côté très léger et humoristique, elle montre à quel point l’usage accompagné de Twitter permet une éducation auprès de nos têtes blondes. Ce jour-là, j’ai appris 2 choses :

– Les enfants, même à 6 ans, maîtrisent déjà ce qui se fait à l’écrit ; ils connaissent les registres de langage, y compris les gros mots, mais savent qu’on ne les utilise pas en public.

– A tout bloquer, on perd des occasions d’éduquer. Si on pouvait dire ça aux responsables qui coupent les accès Internet dans les établissements, ou qui interdisent systématiquement l’usage d’outils numériques (smartphones notamment) dans les classes, on gagnerait peut-être de bonnes occasions éducatives. A condition de ne pas tout laisser faire et de cadrer les choses pour éduquer intelligemment.

Dans notre cas, c’est en apparence plutôt l’élève qui a éduqué l’adulte (sur un ton humoristique), mais en réalité, je sais que les messages échangés restent une référence pour les autres élèves de la classe en terme de langage et de politesse.

Comme quoi, il n’est vraiment pas con idiot, ce Vincent !
🙂

5 commentaires “Quand ce sont les enfants qui éduquent”

  1. Bonjour,
    j’ai parcouru votre blog, et je trouve votre démarche très intéressante. Vous avez déjà rencontré beaucoup d’enseignants du monde entier appliquant des méthodes diverses, mais sans doute êtes-vous toujours curieux d’apprendre. Je voulais donc vous faire part d’une autre expérience, celle d’un homme de maintenant 83 ans qui propose une alternative aux jeunes des rues de Guatemala Ciudad et qui s’efforce, depuis plus de 10 ans, de faire en sorte qu’ils choisissent cette alternative. Il s’agit principalement d’adolescents, très indépendants et réfractaires aux adultes qu’ils considèrent généralement comme des bourreaux (et pour cause !), donc l’approche n’est pas la même qu’avec des enfants de 6 ans. Mais je pense que sa vision de l’éducation et l’autonomisation vous intéressera :

    Bon visionnage. Bravo pour votre démarche et merci de partager votre expérience.
    Diane

  2. Hello !
    As-tu publié quelque part tes idées de « démarrages » de tweets , J’aime / J’aime pas, Si j’étais sur une ile déserte… etc ?

    1. Oups, je n’avais pas vu ton commentaire… Non, rien publié en ce sens, juste quelques traces sur le semblant de blog de la classe par ici : http://cpprovidence.wordpress.com/
      Mais effectivement, ce serait une idée. Je m’inspire beaucoup des ateliers d’écriture qu’on peut trouver sur le Net (exemple : le grand atelier des petits poètes), ou encore de l’actualité ou des jeux d’écriture déjà sur Twitter (par exemple, transformation du tag #quandjetaispetit en #quandjeseraigrand).

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