Je m’en souviens, c’était en 2010, et j’étais en CP. Mes parents m’avaient dit que c’était une année importante, que j’allais apprendre à lire. Je n’avais pas voulu les vexer en leur disant que je savais déjà nommer les lettres, lire certains mots, et même déchiffrer quelques mots simples comme « moto » ou « lama ».
Je n’ai que d’obscurs souvenirs de l’apprentissage de la lecture dans la classe de mon maître : je me souviens vaguement de personnages d’un livre de lecture, avec des histoires de chiens qui s’appelaient Max et Jules, à qui il arrivait des aventures minables… Je me souviens aussi d’affiches sur les murs qui classaient toutes les graphies possibles pour chaque son, que nous complétions au fur-et-à-mesure de l’année et des découvertes.
Puis ces lignes à copier à la main dans des cahiers, pour apprendre à bien écrire ! Quels souvenirs ! A l’époque, c’était même au programme de l’Education Nationale !
Mon plus grand souvenir toutefois, ce fut cette première découverte de Twitter, et de la communication sur Internet en général. Il y avait toujours un ordinateur qui traînait dans la classe, parfois même plusieurs, et nous pouvions envoyer nos courts messages une fois que ceux-ci avaient été pensés et écrits sur nos cahiers d’écrivains…
Quel plaisir de voir des réponses arriver suite à la diffusion d’une devinette, ou de voir un message anodin être retweeté par quelqu’un qui avait de nombreux abonnés !
Je me souviens d’échanges de vocabulaires, de photos, de vidéos, et même d’une partie d’échecs avec une autre classe en France !
Je n’ai pas bien compris pourquoi, mais nous étions passés à la télé, juste parce que nous écrivions des tweets ! Faut dire qu’à l’époque, ça n’était pas courant d’utiliser Internet pour s’entraîner à écrire en CP, mais à y regarder de plus près, d’autres classes faisaient des projets tout aussi intéressants et efficaces : des correspondances scolaires, de l’écriture de contes, des oeuvres poétiques… Enfin, faut croire que ça n’était pas aussi bien que Twitter, et j’avais vraiment aimé me voir au JT de 20 heures !
J’aimais bien aussi ces moments où j’étais « manager » : je devais lire tout seul les tweets qui arrivaient, et désigner un copain ou une copine pour répondre ou remercier, selon le thème et selon les possibilités de chacun, en m’aidant d’une liste de classe (pas question de paresser avec moi…). Heureusement, nous avions l’aide d’autres responsables : informaticiens, correcteurs, … Avec une bonne recherche sur Google, on pourrait assurément retrouver certains de nos premiers tweets !
Je ne sais pas ce qu’est devenu mon maître de CP, consultant auprès du ministère de l’éducation nationale, ou vendeur de fraises Haribo, mais ce que je retiens, c’est que je fus son cobaye.
Y a pas à dire, c’est lui qui m’a donné le virus. Pas une journée aujourd’hui sans que je doive aller consulter ma timeline, répondre à mes messages ou consulter les dernières nouveautés sur mes fils d’actualités. Puis c’est lui aussi qui m’a appris à gérer mon identité numérique. Si j’ai 4 profils différents sur Facebook, ça n’est pas pour rien : un pour le fun, un pour le boulot, un pour la famille, et le dernier pour ma vie imaginaire. Au moins, je sais qui me lit, et ce que je peux y dire…
De même, quand on tape mon nom sur Google, je sais que j’en ai dit assez sur moi pour que le plus positif sorte en tête de recherches. Pour le reste, je suis mon propre community manager, je vais systématiquement corriger les informations qui me concernent, celles qui sont inexactes ou qui pourraient me porter préjudice.
Vous allez rire, à l’époque en CP, j’avais envoyé des insultes à mes copains en public, et j’avais été puni de Twitter ; ma mère m’avait même fermé mon compte sur demande de mon instit. Il y avait été un peu fort avec ses règles d’or d’utilisation. Si j’avais su, j’aurais envoyé mes insultes en privé, après tout, ce sont mes copains qui avaient commencé dans la cour de récré !
Bon, en fait, c’était l’époque à laquelle même mes parents ne connaissaient pas Twitter, et du coup, nous avions nous même écrit nos règles d’utilisation. Même quand on l’utilisait à la maison, il fallait respecter ce code. Aujourd’hui, avec la loi Hadopi 6, les règles d’utilisation du Net sont beaucoup trop strictes, mais peu importe, je continue comme en CP à essayer de les contourner, avec un peu plus d’intelligence qu’à l’époque !
Avec le recul, si je ne garde qu’un constat de ces années de CP, c’est qu’utiliser mes premiers ordinateurs en classe et découvrir Twitter m’ont vraiment donné envie de communiquer et de m’ouvrir au monde. Je ne sais pas si j’ai mieux appris à lire que ceux des autres classes, ou si mon image numérique est plus adaptée à mon boulot actuel, mais ce qui est sûr, c’est que je maîtrise ces médias numériques qui sont aujourd’hui mon quotidien professionnel et personnel.
Quand je vois mes parents qui ne savent pas encore retweeter le lien d’une vidéo que je leur envoie, ça me fait sourire ! Enfin, c’est déjà bien, ils savent commander une #pizza sur @pizzaadomicile.
Bon, je vous laisse, je dois aller coucher mes 2 enfants. En effet, demain c’est la rentrée (2 semaines de coupure, ça fait du bien), et ils doivent être connectés dès 9 heures pour faire leur atelier d’apprentissage en ligne avec leur twitterinstit.
Vivement mercredi qu’ils aillent à l’école pour leur journée de socialisation !
[MAJ 02/05/11 : merci à Jeg pour la suggestion du titre, initialement « J’avais 6 ans quand j’ai commencé à tweeter »]
chiche !!!
Waow, c’est juste excellent.
Merci ! 🙂
Bonjour.
Je propose un autre titre pour cet article :
« Quand j’avais 6 ans, je m’ai twitté »
(en référence au roman « Quand j’avais 5 ans je m’ai tué » de Howard Butten…)
😉
Excellente idée ! 🙂
je suis ravie qu’un article du Monde mette en avant l’imagination des enseignants pour faire aimer aux enfants la lecture. Moi qui en ce moment suis un peu écoeurée de la façon dont on estime les enseignants, je vois qu’un nombre encore important de maîtres et maîtresses relèvent des défis et démontrent que nos enfants ne sont pas plus durs, ou plus bêtes, ou plus indisciplinés qu’avant.
chapeau bas!
super article…..et toi t’auras la tignasse toute blanche et tu feras des conférences sur les débuts de twitter à l’école!!
bravo pour le nouveau titre!!
bonjour.
Bravo !!! Il faut lire la presse nationale pour savoir ce qui se passe à Dunkerque.
Nous sommes tout à fait intéressés par cette expérimentation (cf. le blog) par les réflexions du blog sur l’utilisation de twitter à l’école. Pas de récup, mais intérêt d’une réflexion de terrain sur le sujet.
Merci pour votre message !
L’expérience continuera (ou plutôt recommencera avec de nouveaux élèves) l’an prochain, l’occasion de mettre en place de nouveaux outils et d’améliorer l’organisation en classe.