Dans la série « j’utilise Twitter avec des CP », j’avais pour projet de travailler un peu plus précisément l’éducation à la sécurité sur Internet. Nous avons abordé plusieurs fois à l’oral les dangers possibles avec les enfants, notamment ce qu’on ne devait pas dire sur Twitter, lisible par tous : son nom de famille, son adresse, etc.
La grande crainte qui revient, chez les élèves, ce sont les « méchants », les cambrioleurs, les voleurs d’enfants (je cite leurs mots). Je compte bien, en janvier, leur faire écrire une twittiquette (la netiquette de Twitter ^^) comme l’ont fait mes collègues chez les plus grands mais pour l’instant, on en est resté à des premiers mots débattus à l’oral.

Parallèlement, j’ai été confronté à 2 réponses en anglais sur le compte de la classe, avec un lien que je n’ai pas suivi (mais je ne doute pas du caractère non approprié de celui-ci), et je leur ai donc montré comment bloquer un utilisateur, en précisant pour les quelques élèves qui tweetent de chez eux (normalement en présence de leurs parents) qu’il fallait agir ainsi s’ils recevaient un message en anglais, ou avec un lien de quelqu’un qu’ils ne connaissaient pas.

Mais je pense que derrière ces mises en garde nécessaires pour des enfants de 6 ans dont j’ai la responsabilité, je loupe une grosse partie « éducative » de la prévention. J’ai en effet l’impression qu’en manquant de précision vis à vis des « dangers », je contribue au côté « internet c’est mal » contre lequel je me bats auprès de certaines personnes non habituées au Net. Comment éduquer sereinement, sans lancer les élèves dans une méfiance systématique ?

Il faut que je vous raconte l’anecdote de la fin d’après-midi, révélatrice de cette réflexion : nous recevons, sur @classe_Masson, le tweet d’une journaliste de France 2, qui nous dit qu’elle aimerait prendre contact avec nous. Assez fier (et un peu apeuré par la possibilité de voir débarquer une caméra), je leur demande ce qu’on peut répondre, et là, stupeur, 4 ou 5 élèves sont catégoriques :
–  « Non !
– Comment ça, non ?
– Bah non, après tout le monde va savoir notre adresse, ils vont nous suivre chez nous… » etc.

Un élève a même proposé de bloquer la journaliste qui parlait certainement en anglais (faut dire que l’avatar « oeuf » natif sur Twitter ressemblait aux précédents comptes bloqués). Si en plus je suis responsable d’une diabolisation de tous les anglophones ! :p

J’ai eu beau leur dire que « France 2 », ça n’était pas des inconnus, qu’il n’y avait pas de raison qu’un(e) journaliste nous demande nos adresses, et que le reportage portait sur « Twitter », et non pas sur la vie privée des enfants… j’ai senti qu’ils n’ont pas été convaincus.

Je crois que c’est à l’usage qu’on apprend à faire la part des choses, entre des inconnus qui peuvent être fiables (une histoire de confiance) et des contacts qui paraissent fiables mais qui ne le sont peut-être pas (une histoire de méfiance). Mais comment, à 6 ans, avec un outil qu’on ne maîtrise pas vraiment, pouvoir faire cette part des choses ? Et ne pas tomber dans la confiance aveugle, ou dans la méfiance obstinée ?

Pour l’instant je me pose juste la question, j’espère bien pouvoir trouver quelques pistes de réponses. La seule, fiable actuellement, est celle de la présence systématique de l’adulte (qui, lui, a le recul nécessaire) quand on lit ou qu’on écrit sur Twitter. Et c’est bien la première chose que je leur suggérerai d’ajouter à leur Twittiquette en janvier !

2 commentaires “Éduquer à la prudence, ou apprendre la méfiance ?”

  1. Bonsoir M’sieur,
    Je trouve ton article fort intéressant. Non pas seulement parce qu’il me donne envie de sauter le pas que je ne parviens pas encore à sauter : me lancer dans l’aventure twitter…
    Avec mes CM2, nous avons un projet tutorat avec une classe de CP qui pourrait fort bien prendre une dimension TICE…
    Se pose une question supplémentaire à celle(s) que tu soulèves : pour les CP, quel est le « petit truc en plus » que twitter apporterait par rapport à un « classique » travail d’expression écrite ?
    Je pourrais ainsi éventuellement répondre à ma collègue qui ne manquera certainement pas de me poser la question.
    Enfin, et en guise de clin d’oeil final, je reprends une partie de ton propos « La seule, fiable actuellement, est celle de la présence systématique de l’adulte (qui, lui, a le recul nécessaire) » pour émettre un doute sur le recul…
    A la lecture récente des commentaires sur un site d’actualité évoquant dans un article le cahier de texte numérique, je suis réservé sur le recul de certains.
    « Mais il n’y a pas de citadelle imprenable, il n’y a que de mauvais stratèges » dirait l’autre !!
    A très bientôt et félicitations pour ton boulot. Transmets mes félicitations à tes élèves.

  2. Merci Eric pour ce commentaire auquel je ne réponds qu’aujourd’hui. J’espère que tu prendras le temps des vacances pour préparer ton grand saut dans l’aventure Twitter avec tes élèves ! Pour ma part, j’ai pensé les choses à l’écrit (et ce blog m’y aide, même si ça n’est pas très conventionnel comme fiche de prép ^^), puis tu découvres beaucoup de possibilité en lançant l’expérience. On va dire qu’on est dans une démarche d’apprentissage expérimentale !

    Pour le « plus » apporté par Twitter aux CP, indéniablement il s’agit de la réciprocité de l’écrit. Les enfants transmettent, les lecteurs réagissent. Et hop, nous voici repartis dans de la lecture, après avoir travaillé le code écrit et le sens dans l’élaboration du tweet.
    Sans compter que les 140 caractères, c’est une limite très appréciable, car accessible, pour mes apprentis lecteurs et scripteurs !

    Pour l’instant, je suis bien motivé dans le projet, et prêt à accompagner, par nos échanges, des collègues qui voudraient tenter l’aventure… Alors allons-y, sautons ensemble, avec comme seul point de vue l’apprentissage des élèves via une forme motivante ! 🙂

    Bonnes fêtes de fin d’année.

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