Généralement, la période des grandes vacances, pour un enseignant, c’est l’occasion de se couper du quotidien, certes, mais aussi de penser déjà à sa prochaine année scolaire.
Chez moi, le mélange entre distractions et volonté d’innovation donne un drôle de mélange, l’envie de révolutionner un système trop figé à mon goût.

Mes inspirations

Je deviens de plus en plus convaincu que nous, enseignants, avons beaucoup à apprendre de deux mondes :

  • Le monde de l’entreprise

Pour moi, l’école, et son noyau de base, la classe, devrait être à l’image d’une start-up. Vous savez, ces petites entreprises expérimentales, bien loin des grosses usines ouvrières, où chaque membre du personnel a un rôle à jouer, et le fait avec passion ? Les bénéfices seraient l’apprentissage, tout simplement, et chaque action au sein de l’entreprise-classe devrait permettre de faire le plus de bénéfices possibles.
Motiver les bénéfices, en entreprise « adulte », c’est assez facile par le simple appât du gain financier. En terme d’apprentissage, c’est certainement plus délicat, sauf qu’avec des jeunes enfants, la découverte procure un bonheur suffisant pour vouloir en faire d’autres, je l’ai assez souvent constaté pour en être convaincu. Cela s’appelle peut-être simplement la curiosité ?

Permettre l’apprentissage pour tous, croyez-vous que ce soit déjà le cas dans les écoles primaires ? On se l’imagine, et c’est peut-être réel pour un enfant « moyen », dans la norme, mais qu’en est-il des élèves en difficultés étiquettés comme tels ? Quelle image leur renvoie-t-on, et quels bénéfices leur permet-on de faire ? Qu’en est-il des enfants doués, qui ne demandent qu’à avancer, et qu’on freine sous prétexte d’éducation « nationale » ?

Mon rêve serait donc que ma classe se transforme ainsi : d’une espèce d’administration qu’elle est actuellement (mes élèves sont des petits fonctionnaires qui font le minimum syndical), qu’elle devienne une entreprise auto-gérée, dont les seuls objectifs serait un surplus d’apprentissage, dans la motivation et le plaisir.

  • Le monde du développement personnel

Vous savez, ces techniques de coaching qui nous donnent des conseils à la limite des évidences pour nous permettre d’être heureux au travail, de réaliser nos projets, de nous émerveiller de détails qui font nos quotidiens ? C’est cela que j’appelle le développement personnel.
Ce n’est pas un esprit baba cool à la limite de l’anarchie, bien au contraire : c’est un ensemble de règles simples, de principes, de proverbes, qu’on s’approprie à titre individuel ou collectif, qui nous permettent de nous rendre meilleurs. Appliquer ce genre de principes dans mon entreprise-classe, c’est permettre d’atteindre mes objectifs avec plus de productivité, d’y prendre plaisir, et d’avoir un regard positif sur les autres.
Dans cette entreprise, les pairs sont le ciment pour entre-prendre : se saisir, à plusieurs, du savoir et des compétences.

Le rôle de l’enseignant se situerait alors sur ce domaine : il serait une sorte de coach pour motiver ses collègues entrepreneurs à faire du bénéfice d’apprentissage (oui, on est bien loin de la relation maître > élèves).


Comment faire ?

Pour arriver à créer ce genre de start-up éducative, il faut s’en donner les moyens par l’innovation des éducateurs. Agir seul, c’est possible, mais pas toujours évident.

Il y a bien déjà des foyers d’innovation sur Internet : forums, blogs, réseaux sociaux… Beaucoup d’enseignants sont prêts à faire ces changements, au-delà du carcan que semble nous imposer l’éducation nationale. Notre grande force, c’est notre liberté pédagogique, c’est elle qui peut nous permettre d’arriver à atteindre nos objectifs. Cette liberté nous donne d’ailleurs la chance de pouvoir oser une autre façon de faire classe, sans devoir changer tout le système (les programmes, la hiérarchie, les familles…).

Je rêverais bien d’un lieu physique, une salle des profs complètement en dehors de l’image austère qu’elle renvoie. Créer une entreprise en classe, c’est en effet un travail sur le vivant et sur le matériel. J’aimerais donc avoir un foyer d’innovation bien concret, bien réel, local (pour les amateurs, je suis sur Dunkerque), où l’on pourrait se prêter à réinventer l’école, non seulement sur le plan des idées, mais aussi d’un point de vue matériel. Vous savez, ce genre d’endroit comme ces maisons d’étudiants qui ont donné naissance à des monstres comme Facebook (voir le film The Social Network) ? Des lieux où la jeunesse, l’alcool et les délires aidants, on arrive à oublier nos blocages trop souvent injustifiés pour oser, innover, et avancer !

Une question demeure : mes parents d’élèves, mes collègues, ma hiérarchie, seront-ils prêts à accepter des changements, des expériences, des innovations ? Mon expérience avec l’utilisation de Twitter en CP m’a montré que les bizarrerie éducatives passent bien si elles sont expliquées et justifiées sur le plan de l’apprentissage. Mais jusqu’où pourrions-nous aller pour casser les codes sociaux qui paralysent parfois l’école et ses acteurs ?

(°.*)

Voilà mes quelques rêves des derniers jours. Mais je vous laisse, il faut que je me réveille, la rentrée approche.

10 commentaires “Délire éducatif : ma start-up scolaire”

  1. « Oser, innover, avancer… » Ce sera avec un vif intérêt que nous vous recevrons sur l’espace DÉMOTICE au salon Educatec-Educatice

  2. L’avantage de ta position : instit. reconnu dans ton domaine d’enseignement et en matière de Tice fait que ton « délire » devient crédible.
    Il n’apparaît pas comme une idée furtive lancée sur une brise éphémère et sans but.
    Je te suis dans ton délire, je me l’approprie, j’attends la suite.

    1. Merci Catherine.
      Mais j’ai peur : la rentrée approche, et c’est le moment d’oser… ou pas ! Et c’est cette limite entre le « j’y vais » et le « je reste dans mon confort » qui décidera de tout. Surtout que je connais mon « confort », je sais que ça fonctionne, mais pour le « j’y vais », je ne connais pas vraiment la destination, ni les moyens d’y aller…
      Bon, au moins, je vais commencer par des petits pas : prendre l’image de l’entreprise pour faire tourner ma classe, y a moyen je pense, et j’ai rencontré l’an dernier un collègue belge qui faisait ça en collège, avec esprit d’initiative, groupe de travail, satisfaction de la réussite…

  3. Amusant, @oiseaudelune sur Twitter me signale un article en anglais d’un enseignant en Inde qui s’intitule : Why My Classroom is a startup. Il n’a pas les mêmes motivations que moi, vu le contexte, mais l’idée y est, avec notamment le concept de produit pour exister sur le marché… Des termes qu’on n’a pas l’habitude d’entendre dans l’éducation !

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