J’ai eu la chance, juste avant les vacances de Noël, de participer au conseil scientifique de l’enseignement scolaire, à Paris, en tant qu’intervenant pour présenter mon utilisation de Twitter en CP.

C’était une nouvelle étape pour moi, car au-delà d’une simple présentation de l’outil et de ses possibilités en terme d’apprentissage, il s’agissait à la fois de mettre des mots sur la pédagogie qu’il impose, mais aussi d’évoquer les leviers et les freins dans la diffusion d’une telle innovation.

Dans mes petits souliers

Arrivé au lycée Henri IV, derrière le Panthéon, je découvre la liste des participants, avec des noms et des fonctions aussi impressionnants les uns que les autres : pédagogues, philosophes, chercheurs, professeurs,  inspecteurs généraux… Je me devais de rester professionnel, car il s’agissait d’une assemblée d’experts en matière pédagogique, que je souhaitais convaincre du bien fondé d’utiliser ce genre de pratique dès le CP.

La salle se remplit, quelques personnes viennent me saluer avec humour : « j’espère que vous êtes bien stressé »… mais dans le fond, l’esprit est bienveillant.

J’ai vraiment apprécié ce lien possible entre nous, les enseignants du terrain, souvent écrasés par le poids du quotidien, et ces personnes qui ont plus de recul que nous, qui ont un pouvoir décisionnel sur notre quotidien professionnel, mais qui n’ont plus forcément un pied aux côtés des élèves. Car après tout, ces réunions, ces réformes et ces orientations ne devraient avoir qu’un seul objectif : un meilleur apprentissage des élèves.

 

L’importance du « pourquoi » en innovation

Après une introduction de Bénédicte Robert, chef du département innovation du Ministère, concernant les démarches mises en oeuvre pour promouvoir, diffuser ou transférer les innovations, c’était à mon tour d’opérer.

En un peu plus de 10 minutes, me voici parti dans le quotidien de ma classe qui écrit. Pas de gros mot pédagogique, juste du concret, et la justification du « pourquoi » l’expérience me paraît pertinente en terme d’apprentissage individuel et collectif. J’insiste ainsi sur l’action des enfants, la différenciation possible grâce à l’écriture, le sens mis derrière l’activité (j’écris pour être lu), et la dimension sociale des apprentissages.

Ma présentation fut suivie d’une réflexion très pertinente et éclairante du chercheur généticien François Taddéi, concernantl’intelligence collective (sur l’une de ses interventions précédentes, vous pouvez retrouver, en substance, ses propos par ici).

A mon grand étonnement, j’attendais un accueil beaucoup moins bienveillant de l’expérience. On aurait pu me faire des reproches sur le support utilisé (Twitter est une entreprise commerciale), sur le côté quasi-illégal de l’expérience (Twitter est interdit aux moins de 13 ans),ou sur l’impossibilité de diffuser ce genre d’expérience étant donné le matériel ou les blocages de réseaux dans certains établissements. Mais non, le questionnement est resté sur l’aspect pédagogique de l’expérience, celui de la recherche des outils appropriés pour atteindre des objectifs propres à nos besoins actuels.

Combiner innovation et tradition

Les questions qui me furent posées concernaient mes méthodes d’apprentissages de la lecture qui s’organisaient autour de mon utilisation de Twitter : un fichier de lecture de chez Hachette (Max, Jules et leurs copains), une méthode de recherche syllabique à départ phonique proche du « Sablier », et quelques outils ludiques tels queles gestes de Borel-Maisonny ou la méthode des Alphas pour le début d’année. Quel plaisir d’entendre de la bouche d’Alain Bentolila, pourtant assez réticent sur la place accordée aux machines dans l’apprentissage, que l’ensemble de mes outils avait une cohérence indéniable, et qu’il retenait particulièrement le côté réel de la dimension d’écriture grâce à la communication que permettait Twitter, évitant ainsi aux élèves d’écrire dans le vide.

Le questionnement de la place du maître dans cette nouvelle approche pédagogique a également été soulevé : François Taddéi a souligné que le défi était de gérer la tension entre l’individuel et le collectif. Le rôle du maître est, dans ce contexte d’utilisation d’outil innovant, de définir un cadre de liberté permettant l’apprentissage sur les deux dimensions, collective et individuelle.

Il ressort de cette rencontre qu’il ne s’agit pas de promouvoir l’utilisation de Twitter en tant que telle, mais bien de permettre aux enseignants de trouver et d’expérimenter des situations innovantes, motivantes et stimulantes pour atteindre leurs objectifs (dans mon cas, l’apprentissage de la lecture). L’essentiel, quel que soit l’outil choisi, est de savoir pourquoi on l’utilise, et d’évaluer en conséquence son expérimentation.

Ma place au milieu des élèves

Enfin, j’en retire à titre personnel que ma place est bien en classe, même s’il est nécessaire de faire remonter les expériences (les outils ne manquent pas : formations, ateliers, rencontres professionnelles, blogs, réseaux sociaux, plateformes officielles..). Et si l’objet de ce conseil était particulièrement la question de la diffusion des innovations, je reste persuadé qu’un projet réussit essentiellement parce qu’il est porté par une personne ou une équipe qui y croit. Il faut développer et encourager notre liberté d’expérimentation, et non imposer les expériences en elles-mêmes.

Je conclurai sur une phrase qui m’a fait sourire, et qui illustre bien cette importance du porteur d’un projet ; l’un des participants au conseil scientifique plaisantait à mon propos : « s’il avait été enseignant dans l’Antiquité, il aurait innové aussi avec un stylet et une pierre à graver ! ».
Espérons, en remontant un peu plus le temps, que j’oserai encore expérimenter avant de me figer dans les glaces immuables des programmes et des courants pédagogiques cloisonnés !

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