Dans le flot habituel des évaluations scolaires, on prend souvent en compte les résultats, échecs ou réussites, parfois le chemin parcouru(ciblage des efforts et des progrès), mais rarement le « moral » de l’enfant : es-tu content d’avoir appris ? Es-tu heureux d’entrer en classe ? As-tu peur ? Est-ce que tu t’ennuies ? On n’évalue jamais ce ressenti simplement parce qu’on n’en perçoit pas l’utilité.

Dans ma logique d’évaluation ludique (voir ce vieil article sur mon Foursquare éducatif), je vais tenter d’enregistrer le plus souvent possible l’état de l’enfant. Parler de « bien-être », c’est peut-être un parti pris, mais comment appeler ce « être » s’il n’est pas « bien » ? Le « mal-être », le « moyen-être », le « so-so » comme diraient nos voisins anglais ?

Ce ressenti est rarement pris en compte dans le jugement qu’on porte sur l’élève, et s’il l’est dans certaines auto-évaluations, il porte rarement une vocation formative.

Je vais donc tenter, de ce mois de janvier 2013 jusqu’en juin, d’enregistrer le plus souvent possible le bien-être de chaque enfant. Ou plutôt, ce sont eux qui vont s’enregistrer, puisque par définition, un ressenti ne peut pas être perçu par autrui…

Concrètement, c’est tout simple : un ordinateur, une tablette, ou mon téléphone, et tant qu’il le veut (chaque quart d’heure au maximum),l’enfant va indiquer son état via une application créée par mes soins (simple sélection d’un smiley correspondant à son état, de « en colère » à « excité », en passant par « fatigué », « je m’ennuie », ou « zen »…).

Trèscontent

Mes objectifs :

  • Adapter les activités et la pédagogie lorsque les résultats en terme de « bien-être » sont trop négatifs. Mon objectif d’enseignant reste sur le terme de l’apprentissage, mais je me dois d’inventer d’autres chemins pour procurer plus de plaisir et permettre autant, si ce n’est plus, d’apprentissage (ma conviction de départ pose l’hypothèse qu’on apprend mieux quand on prend plaisir, mais je me trompe peut-être… La souffrance de l’effort ne serait-il pas aussi un mal nécessaire ?).
  • Trouver un lien (ou non) entre bien-être positif et qualité d’apprentissage. J’aimerais notamment trouver à quel point ce côté non concret a des effets contraignants pour les élèves en difficulté ou décrocheurs ;
  • Réussir, au fil de l’année, à faire monter la moyenne du « bien-être » de ma classe, à travers des évolutions très concrètes concernant le climat de la classe, le travail de groupe ou l’attention portée à l’individu.

Des difficultés me viennent déjà à l’esprit : comment lier ressenti et apprentissage ? Comment faire la part des choses entre les ressentis déjà existants chez l’enfant (fatigue, vie familiale, querelle en récréation…) et inhérents aux activités de la classe ? Je vais toutefois garder en tête que l’enfant n’est qu’un, et que la maison, l’école, son environnement se lient pour en faire un être qui apprend… ou non !

Voilà, ce n’est qu’un embryon d’idée, si cela vous évoque quelque chose, vous inspire ou vous suggère des ajustements possibles, n’hésitez pas à en parler en commentaire ci-dessous, ou à me contacter sur Twitter @jyaire. La question de l’analyse des données récoltées sera notamment à creuser…

A suivre bien-sûr !

PS : Merci au bouillonnant François Taddéi pour la suggestion au détour d’une discussion…

11 commentaires “Bien-être des élèves et apprentissages”

  1. D’un côté je trouve ça intéressant, mais de l’autre je m’interroge sur la nécessité de passer par une application pour se rendre compte de ce genre de chose… Une bonne observation/connaissance de sa classe (pour le bien être général) et des élèves (pour les cas particuliers) permet de se faire une bonne idée, non ?
    Par contre, ça peut être utile comme base au dialogue lorsque quelque chose cloche avec un élève… mais comme je suis réac, je crois que je préfèrerais de bonnes vieilles étiquettes à colorier/coller !

  2. Je trouve cette idée plus que chouette. Mais comment contextualiser le bien-être ou mal-être ressenti? Comment le mettre en lien avec l’activité faite? Je souhaite te suivre sur cette expérience, et voir dans mon école si d’autres instits vsont intéressés. Pour ma part, étant maîtresse E , je n’ai pas de classe…
    Bonne rentrée!

  3. Merci pour vos commentaires.
    Alors, en répondant à Anne-Loup, je vais justifier l’utilisation d’une application demandée par ME ^^.

    Mon but est de mettre en évidence un lien (ou non) entre bien-être de l’enfant et qualité d’apprentissage.
    Du coup, l’enfant qui va signaler son comportement le fera en parallèle du signalement des activités qu’il fait.

    Par exemple, un enfant checke (du verbe checker…) sur « J’ai réussi un sudoku », et parallèlement il se dira « fier ». Ou « J’ai rangé ma case », et je suis « fatigué ». Ou encore « Je passé une récréation », et « je suis excité ».
    L’avantage de l’application est l’horodatage précis, et la conservation des données dans une base. Peut-être pourrais-je ainsi observer que plus d’enfants sont fatigués, peureux ou énervés selon les moments de la journée.

    Il pourrait être intéressant aussi de différer les « checks » : est-ce que j’apprends mieux si, avant, je suis de bonne humeur ? Est-ce que, si j’étais malheureux, le fait d’avoir appris m’a rendu le sourire ? Est-ce que la séance m’a rendu malheureux alors qu’avant tout allait bien ?

    Toutefois, mon but ultime, c’est vraiment de tenter d’améliorer la moyenne de bonheur du groupe classe, et cela, une application pourra le quantifier. Les enfants auront aussi le moyen de me faire passer le message sans se confronter à l’impatience de l’enseignant fatigué ! :p

    Bon, je comprends bien que tout cela n’est pas très clair, et que ce système doit être mis en relation avec le « jeu d’évaluation » que j’utilise en parallèle dans la classe. Pour les prochaines vacances, j’essaie de vous montrer tout ça de façon plus claire et imagée, avec éventuellement quelques premiers résultats ou ajustements…

  4. Je trouve très très bien de se poser la question. Mon fils de onze ans vit avec ce « mal », ce « so-so » en fait. « La souffrance pédagogique », comme certain l’ont si bien qualifié. Vivre des difficultés académiques au quotidien (dyslexie, dysorthographie, mémoire de travail faible, en fait tout se qui vient avec) et ce avec l’incompréhension, l’ignorance… sans services d’aide, etc. c’est difficile et même extrêmement difficile de porter ce « mal », l’anxiété bien cristallisée dans ce petit apprenant. Pour la famille, c’est vivre avec la démotivation, estime de soi , le décrochage toujours tout près. Un « mal » réel tellement tabou.

  5. En réponse à ME: justement ce qui me semble intéressant, c’est que ce n’est pas l’enseignant qui juge du bonheur ou non des élèves. C’est à l’enfant de porter un regard sur lui-même, cela peut lui permettre de se connaitre un peu mieux, de prendre les rênes , de maîtriser davantage ses conduites. C’est digne d’un atelier philo..(En tant qu’enseignant, on fait pareil d’ailleurs: je suis content de cette séquence, pourquoi, comment…)
    Merci pour ta réponse, l’horodatage est un bon indicateur, de même que l’appli semble mentionner ce pourquoi il est content. Je persiste à demander des nouvelles de cette tentative! 🙂

  6. Bonjour et bravo pour cette initiative qui me semble très intéressante.
    J’avais été interpelé par une intervention de André Comte-Sponville intitulée « Sens du travail, bonheur et motivation » et j’ai cherché à transposer quelques aspects mentionnés au contexte de l’éducation ici. Cela peut donner des idées de pistes pour faire évoluer le bien-être des élèves…
    Bonne continuation !

  7. JR,
    Je me demandais si tu avais connaissance du travail fait en classe via la CNV (communication non violente). Certains collègues ont développé des outils pour aider les élèves à apprendre à reconnaitre leurs émotions et à les verbaliser.

  8. @liz : Merci pour votre témoignage, Liz. Je sais bien que ce ne sont pas des initiatives isolées comme la mienne qui vont changer les choses, mais je crois beaucoup aux petites gouttes qui font naître les rivières ! C’est le regard sur l’enfant et sur son parcours qu’il faudrait changer, à l’heure où l’on ne perçoit que l’échec et la réussite.

  9. @jackdub : Merci beaucoup pour votre commentaire et pour vos apports que je ne trouve qu’aujourd’hui. Je vais prendre le temps de lire le document, mais à parcourir simplement les gros titres, je sens que ça va me plaire ! Notion de plaisir, de bonheur et de bien-être, au service de l’apprentissage, ne serait-ce que des mots ? 😉

  10. @ Aude Corbières : Merci Aude, j’ai eu quelques documents, par exemple des fiches où l’enfant devait nommer ses émotions, je ne sais pas si c’est de ce genre d’outil que tu parles ?
    Pour l’instant, j’avoue que je n’ai pas encore commencé, faute de temps pour finaliser mon « application ». La partie « je checke mes activités » est en route, mais pas encore celle « je dis comment je vais »…

  11. J’avais vu il y a déjà quelques temps un retour d’un enseignant qui faisait ça avec une pyramide ou un cube, je ne sais plus exactement.
    Chacun enfant avait sur sa table cette forme avec sur chaque face un smiley indiquant son état, du coup d’un seul coup d’oeil il pouvait voir comment était sa classe.
    Et de mémoire, il avait fait construire la forme par les enfants.
    bonne soirée

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *